L’Hiver rude est né de votre rencontre à l’école de cirque de Lyon. Depuis, vous avez suivi des chemins différents, mais vous vous êtes finalement retrouvées…
Gwenn Buczkowski, Bambou Monnet : À Lyon, nous nous amusions souvent de l’idée de faire un spectacle ensemble. Nous avons suivi des parcours de formation différents mais cette envie est revenue. Elle est même devenue une évidence. Amies et partenaires sur scène, nous ignorions toutefois absolument tout du parcours de la création : comment construire un budget, monter une production, rechercher des résidences, etc. Longtemps isolées, nous avons été ensuite épaulées par le PALC (Pôle National Cirque Grand Est). Quant à la genèse de ce spectacle, il est né du partage de documents en ligne, où, chacune de notre côté, nous notions et puisions des choses. L’Hiver rude est un titre qui nous convient bien. Sans évoquer vraiment cette saison, nous sommes incontestablement des filles de l’hiver, blanches de peau et préférant les feux de bois au plein soleil…
Vous êtes deux au plateau, mais vous êtes quatre à l’écriture du spectacle. Comment se passe ce travail collectif ?
GB, BM : Nous gérons ce qui se passe au plateau, mais Naïma à la musique et Mathilde à la lumière ont leur part de propositions. Cela influe beaucoup sur l’écriture. Ce qui était sûr dès le début, c’est que nous ne raconterions pas une histoire avec un début, un milieu, une fin, mais bien plusieurs ! D’où une écriture non linéaire, avec plusieurs petites scènes. Nous réveillons le public avec des propositions très spontanées, nées de l’improvisation. Le jeu amène le propos et non l’inverse ; de la confrontation de nos corps découle un sujet. C’est le cas par exemple de la scène dite du concours bovin, avec les vraies paroles d’un présentateur de vaches et une femme qui défile en arrière-plan en robe de mariée. Nous partons toujours d’une situation humoristique, voire glaçante. Mais L’Hiver rude sera une parenthèse joviale.
Parlez-nous maintenant de vos agrès, des trapèzes « invulnérables »…
GB : C’est moi qui ai fait les cordes et les épissures de mon trapèze. J’en avais un autre dont je devais changer les cordes mais je n’avais pas envie de l’envoyer dans une corderie. Je souhaitais le faire moi-même pour mieux en comprendre le fonctionnement. J’utilise des cordes en chanvre, qui sentent bon, et pas en coton et polypropylène. Avec le temps, des brins de corde pendent de mon trapèze, que je compte bien laisser ainsi. Ce sera ma patte ! Petit à petit, je me retrouve avec des bouts de chanvre – donc de mon trapèze – dans les mains. Il devient ainsi organique, vivant et moins convenu. Le mien a une barre tordue, ce qui peut interpeler. Nos trapèzes gagnent toujours dans nos corps-à-corps : ils sont invulnérables.
ITV réalisée par Emmanuelle Lemesle pour La Brèche en juin 2020